Quand j'ai commencé à enseigner, en 2017, je me suis vite rendu compte que la disposition de la salle était importante pour me sentir à l'aise en tant qu'enseignante. Je ne suis jamais assise et j'ai besoin de pouvoir circuler dans toute la salle, d'avoir accès à tous les élèves. Mais je suis quand même naturellement réservée, je ne voulais donc pas avoir "une scène" au milieu de la classe (les estrades notamment sont mon cauchemar!). En tant que prof de langue, on sait aussi l'importance de la production orale, je cherchais donc une disposition qui favorisait cette mise en activité sans favoriser les bavardages. Enfin, j'ai de mauvais souvenirs, élève, de dispositions de salle où il fallait se contorsionner pour voir le tableau et je ne voulais pas ça pour mes élèves : accès visuel direct primordial!
J'ai donc fait plusieurs essais, souvent infructueux, avant d'arriver à une méthode qui me convienne et que je détaille ici.
Disposition "autobus"
Les classes "autobus" n'étaient pas faites pour moi et je l'ai senti dès la première année.
Je n'aime pas le contact que cela donne avec les élèves, je n'aime pas les phases d'interaction que ça permet aux élèves et je n'aime pas y circuler. L'approche est beaucoup trop frontale même si elle permet de réduire les bavardages (seule option : le voisin).
En revanche, j'aime l'accès visuel direct au tableau que cette disposition permet.
Disposition "ilots en blocs"
Les ilôts en blocs où les élèves sont face à face, par groupes de 4, 5 ou 6 ont été ma seconde option, mise de côté également.
L'espace à ma disposition dans cette configuration est davantage à mon goût : je peux circuler facilement entre les ilôts pour individualiser les conseils, le contact est moins frontal. La mise en activité pour de la production orale ou du travail de groupe est également favorisée.
En revanche, cette configuration est plus propice aux bavardages car les élèves se font face et peuvent ignorer l'enseignant assez aisément. L'accès visuel au tableau n'est pas idéal non plus : les élèves peuvent se retrouver dos au tableau ou avoir à tourner la tête pendant de longues périodes (torticolis assuré!).
Disposition "en U"
La disposition en U ou double U n'était pas pour moi et je l'ai très vite écartée.
Si elle permet aux élèves d'avoir un point d'attention centré sur le tableau et le professeur, je ne supporte pas d'avoir cet espace vide, un peu comme une scène, devant moi... l'angoisse pour l'introvertie que je suis! En plus, l'accès aux élèves qui sont sur le U extérieur peut être difficile selon la taille de la salle. Enfin, selon les contextes d'enseignement, avoir deux rangs d'élèves face à face peut être compliqué à gérer (jeux de regards, discussion face à face...). Bref, peu d'avantages pour beaucoup d'inconvénients pour moi!
En septembre 2022, j'obtiens un poste fixe dans un collège de REP+ et je commence donc à réfléchir à la disposition des salles que je vais occuper. Elles ne font pas toutes la même taille mais je ne change pas à chaque heure : un jour - une salle, ça permet d'adapter! Puis être REP+, cela veut aussi dire avoir des classes à 24 élèves : j'opte donc pour 6 ilôts de 4 élèves, ilôts que je dispose en L ou en accent circonflexe.
Cette disposition permet plusieurs choses selon moi. Elle permet d'abord de circuler facilement dans la salle et d'être de suite au centre de l'ilôt pour capter l'attention des élèves s'il y a des questions ou des problèmes à régler. Elle permet aussi de limiter les bavardages. Au final, les élèves n'ont qu'un.e seul.e voisin.e direct.e avec qui bavarder mais elle facilite la mise en activités de groupes : soit on pivote les tables pour se mettre face à face, soit un des élèves sur le bord extérieur prend sa chaise et vient s'asseoir au milieu! Et hop, c'est rapide. Enfin, en inclinant les tables selon le bon angle, tous les élèves ont un accès visuel direct au tableau.
Vous l'avez compris, je suis convaincue!
Si cette disposition répond à mes besoins et mes attentes, elle m'a demandé un temps d'adaptation pour tester et ajuster ma pratique. J'ai notamment dû réfléchir à la composition des groupes, à la discipline pour éviter d'avoir trop de bruit (en REP+ les classes sont dynamiques et souvent bavardes), à l'utilisation de ces ilôts d'un point de vue pédagogique (activités, temps en groupe etc...).
Choisir ses groupes
En début d'année, phase de test qui dure en général une ou deux semaines. Les élèves sont libres de s'installer avec les personnes de leur choix. Cela permet de se rendre rapidement compte des duo/trio/quatuor qu'il faudra éviter ou favoriser.
Après cette phase de test, je fais moi-même les groupes et je les change souvent. Dès qu'un groupe arrive à 20 points (cf. "Les points dans l'ilôt"), je modifie tous les ilôts et on repart à 0.
Mes ilôts sont toujours hétérogènes : je fais attention à mettre dans chaque ilôt un élève à l'aise, deux élèves qui sont plutôt dans la norme et un élève en difficulté. Cela permet d'équilibrer les ilôts et de booster les efforts de chacun dans les activités langagières!
Les points dans l'ilôt
J'avais essayé de fonctionner sans feuille de points en début d'année mais la gestion de l'entrée en classe, des bavardages, du comportement, des oublis est vite devenue trop chronophage. Se posait aussi la question de l'évaluation de la participation : comment faire? Le système des barres de participation est trop contraignant et tend à privilégier la quantité de participation sur la qualité. J'ai donc essayé de centraliser cette gestion sur une feuille!
Chaque ilôt possède une feuille de points que je donne en début d'heure et récupère en fin d'heure. A la fin de chaque heure, je surligne les points attribués pour éviter la triche d'un cours sur l'autre. Lorsqu'un groupe arrive à 20 "immunities", le compte s'arrête pour tous et on fait le bilan avant de changer les ilôts. Cela correspond à une note sur 20 dans la moyenne.
Les élèves écrivent leur nom et peuvent gagner ou perdre des points.
Les IMMUNITIES sont les points de groupe, ce sont eux qui comptent pour atteindre le 20.
- si au début de l'heure, tous les membres ont leurs affaires (trousse + cahier + carnet), j'attribue un point. S'il y a un oubli, pas de points pour le groupe
- si les élèves sont en activité de groupe et qu'un ilôt fonctionne particulièrement bien, j'attribue un point
- si les élèves font un jeu où les ilôts s'affrontent, un point est en jeu.
Les MALUS POINTS n'étaient au départ que des points négatifs si le comportement d'un élève posait problème ou si les bavardages étaient trop fréquents. Ce sont des points individuels qui n'impactent pas tous les membres du groupe. Au fil de l'année, cette zone est devenue une zone personal points plutôt que malus points car on peut décider d'attribuer un point "bonus" individuel à un élève qui a fait un effort louable comme par exemple réemployer une structure étudiée ou complexifier la production d'un camarade.
Le compteur s'arrête pour tous lorsqu'un groupe arrive à 20 immunities et on peut faire des notes individuelles : il suffit de déduire/ajouter le nombre de points individuels au nombre d'immunities. Voici un exemple :
Activites, utilisation des Tice, usage du français
Être en ilôt ne signifie pas forcément faire que du travail de groupe. Cette disposition me permet d'alterner les temps de réflexion / production individuelle avec des temps de travail en binôme ou des temps de travail à 4. J'affiche la modalité de travail au tableau et les élèves savent se repérer.
Pour ce qui est des TICE, cette année, nos élèves ont tous été équipés de PC hybrides. On ne les utilise pas à chaque cours mais on s'en sert souvent. Cela permet notamment de différencier les parcours de découverte et/ou d'entraînement. Ainsi, cette disposition me permet de différencier davantage et d'accompagner au mieux les élèves à besoins particuliers.
Enfin, cela ne me dérange pas forcément qu'ils parlent français entre eux, selon les activités et les objectifs. Si l'objectif est la production en langue cible, je peux donner des malus individuels ou de groupe si j'entends du français ou alors une pénalité de temps si les groupes sont en concurrence! Si l'objectif est la coopération dans une activité de compréhension, l'usage du français au sein de l'ilôt ne me pose pas de problème. Il faut en revanche être attentif à ce qu'un élève ne fasse pas office de traducteur. Je leur demande de réfléchir ensemble, même si c'est en français. Globalement avec cette disposition, on entend assez bien qui parle français.
Je préfère parler de disposition en ilôts plutôt que de travail en ilôts car vous l'aurez compris, je n'utilise pas tout le temps cette disposition comme modalité de travail. Je n'utilise pas non plus la dénomination "ilôts bonifiés" de Marie Rivoire (un article qui vous explique ce que c'est exactement, ici) car le système était pour moi trop rigide et chronophage. En revanche, je me suis inspirée de certains éléments de cette pédagogie.
Pour moi, ce fonctionnement me convient : il est rapide (attribution des points à l'oral, les élèves se chargent de noter), il est juste et il me permet d'être à l'aise dans mon espace classe.
J'espère que ce post peut vous inspirer! N'hésitez pas à commenter et à me dire ce que vous en pensez. Avez-vous testé/approuvé d'autres méthodes?